A défaut de pouvoir garantir la sécurité nucléaire des habitants, les autorités japonaises veillent sur la tranquillité des enfants avec un film surprenant.
Après avoir fait la une de tous les médias, le Japon peine à se relever matériellement et psychologiquement du tremblement de terre du 11 mars 2011, qui a atteint une magnitude -jamais enregistrée- de 8,9 et entraîné un énorme tsunami ravageant le nord-est du pays.
Confronté aux forces de destruction de la nature et -ironie du sort- à une infernale réaction en chaîne d’éléments qui a conduit à l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima, classé niveau 7 comme Tchernobyl, le peuple japonais continue de susciter l’admiration du monde entier par son calme et son incroyable dignité dans l’épreuve.
Cette population que l’on dit habituée aux déplacements fréquents des plaques tectoniques, semble être bâtie comme ses constructions: aux normes anti-sismiques et impossible à déstabiliser même en cas d’alerte nucléaire. Mais comment expliquer une telle abnégation en plein chaos ?
La communication de crise au secours de l’information
Faut-il voir là seulement l’un des effets de la philosophie zen, qui tend à redimensionner la place de l’homme par rapport à la nature et donc à minimiser le danger nucléaire au regard de l’immensité des forces cosmiques en présence dans l’univers ? Ou est-ce l’expression de résignation d’un peuple déjà gravement traumatisé par les deux bombes nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki, et dont les pères de la nation n’ont pas eu d’autres choix que d’accepter la technologie nucléaire américaine pour se relever de la défaite après la Seconde Guerre mondiale ?
Pourtant, en dépit du calme apparent de la population, les autorités japonaises ont dû très vite prendre la mesure du désastre environnemental et faire face aux conséquences psychologiques de l’accident nucléaire de Fukushima sur les jeunes enfants, exposés à la diffusion en boucle des images de la catastrophe, aux contrôles des taux de radiation, à la perte de leur maison et à l’inquiétude croissante des adultes.
Une animation de 4.30 mn réalisée dans un style enfantin sur des accents de bandjo évoquant la musique country américaine -allez savoir pourquoi !-, une bande son bourrée de bruitages scatologiques, tels sont les ingrédients du film de communication concocté à la hâte pour apporter une réponse rassurante aux questions inévitables des petits nippons.
Un exemple d’infantilisation et de propagande en faveur du nucléaire
Pour un occidental, le concept de communication a de quoi dérouter. La centrale nucléaire de Fukushima est comparée à un bébé pris de coliques et qui s’apprête à faire ses besoins. Heureusement, explique la voix off, il s’est contenté jusque-là de faire des pets, nauséabonds certes, mais qui se dispersent avec le vent. Mais s’il se met à faire caca, on est tous dans la m… semble vouloir dire en substance cette “analogie”, géniale et tranquillisante pour les un(e)s, débile et irresponsable pour les autres, trouvée par les créatifs d’une agence de communication japonaise.
Conçu dès les premiers jours qui ont suivi l’accident, ce film a pour objectif évident de rassurer les esprits les plus faibles et les plus impressionnables en minimisant la portée de l’accident nucléaire. Pour expliquer le problème de la centrale de Fukushima aux enfants, le procédé consiste d’abord à installer une distance imaginaire avec l’évènement à travers le dessin animé, principal vecteur de communication sur les moins de 10 ans.
Ensuite, il suffit de raconter une histoire pleine de “pipi-caca-prout-prout” dont raffolent les enfants et leurs mamans pour éveiller leur attention et les culpabiliser dès leur plus jeune âge. Le premier mode de contamination du nucléaire passe par l’esprit, comme si les risques d’exposition aux radiations de cesium 137 n’était pas suffisants. “A cause du séisme de la dernière fois… notre ami Nucléaire a eu mal au ventre… Il va faire caca”, explique-t-on. “Mais le caca nucléaire sent si mauvais que s’il se fait dessus, tout le monde sera bien embêté”.
La désinformation comme ultime rempart à la peur du nucléaire
Mais le parallèle ne s’arrête pas là. Pour donner un ordre de gravité des dommages subis par les réacteurs de Fukushima, l’accident de Three Miles Island en 1979 est comparé à une crise de flatulence et celui de Tchernobyl à une diarrhée.
A l’évidence, le but du spot n’est pas d’expliquer les dangers du nucléaire aux marmots en âge de zapper, mais de rendre sympathique “notre ami nucléaire” auprès des enfants tout en infantilisant leurs parents. En admettant que l’extrême naïveté du message soit de nature à rassurer les bambins, ce petit chef-d’œuvre de désinformation et de propagande en faveur du nucléaire laisse surtout l’idée que les enfants, comme les centrales, sont laissés à l’abandon. A la seule différence que les enfants japonais, eux, ont une mère pour les changer, “Notre ami nucléaire”, non !
Intéressant, surprenant et inquiétant. Pour jouer avec les mots, c’est peut-être qu’on assiste à une réelle “analogie”. D’où provient exactement cette vidéo ? Le réalisateur, la prod. et autres détails vous sont-ils connus ? Merci d’avance.
Je n’en sais malheureusement pas plus que ce que j’ai écrit à l’époque en 2011 quand j’ai trouvé cette vidéo sur le web. J’avais pris soin de la télécharger et de la sauvegarder au cas où elle disparaisse de Youtube, mais apparemment elle est toujours en ligne.