En 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme validait l’interdiction du voile intégral, burqa ou niqab dans les lieux publics, prononcée 4 ans plus tôt par la France. Retour sur l’histoire de la condamnation d’un vêtement pas tout-à-fait comme les autres. Nous sommes la veille du 14 juillet 2010…
Une loi votée à l’Assemblée nationale dans l’indifférence générale
Comment l’interdiction d’un simple bout de tissu porté, en France, par quelques centaines de femmes sur une population estimée de 4 à 5 millions de musulmans par l’INSEE ou à 15/20 millions par le FN (les statistiques portant sur l’appartenance raciale ou religieuse étant interdites en France depuis Vichy) est-elle sur le point de faire de l’ombre au drapeau français et à notre Constitution, sans qu’apparemment aucune voix ne s’élève dans le pays symbole de la liberté, de l’égalité, de la fraternité… et de la mode ?
On connaissait déjà le délit d’attentat à la pudeur avec lequel flirtent depuis longtemps les mini-jupes racoleuses, les décolletés sur la vallée des anges, les exhibitions de sous-vêtements de marque, les pantalons qui tombent au milieu des fesses…
Va-t-il falloir craindre bientôt le délit d’attentat à la burqa ou au nikab pour les femmes qui revendiqueraient au contraire une pudeur absolue, la dissimulation de leur féminité, le renoncement à la séduction en public, l’affirmation d’appartenance à un homme, une religion ou une coutume ?
Le droit d’afficher sa religion à travers le vêtement serait-il désormais réservé aux bonnes sœurs des congrégations chrétiennes… dans le pays de Rabelais et de la laïcité ?
Interdiction du voile islamique : une idée de réforme de Nicolas Sarkozy
Si l’on en croit les statistiques, 70% de l’électorat serait favorable à une interdiction totale de la burqa. D’où la décision de légiférer sans débat sur l’un des rares sujets capables de fédérer les Français en temps de crise, afin de ne pas attiser les désaccords et les tensions pourtant biens réelles dans l’opinion et dans l’opposition.
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22 juin 2009
Nicolas Sarkozy déclare que la burqa “ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République”… “Le problème de la burqa n’est pas un problème religieux, c’est un problème de liberté, de dignité de la femme. Ce n’est pas un signe religieux, c’est un signe d’asservissement, c’est un signe d’abaissement”, déclare-t-il.
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mai 2010
Le Parlement vote une résolution qui stigmatise le voile intégral en le déclarant “contraire aux valeurs de la République.
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7 juillet 2010
La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, déclare que “la dissimulation du visage sous un voile intégral est contraire à l’ordre public social, qu’elle soit contrainte ou volontaire”.
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13 juillet 2010
L’Assemblée nationale vote par 335 voix contre 1 (et 247 abstentions) le texte d’interdiction du voile intégral dans tout l’espace public.
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septembre 2010
Soumission du projet de loi au vote du Sénat.
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2011
Passage devant le Conseil constitutionnel – dernier obstacle à la promulgation de la loi -, qui avait pourtant émis des réserves sur une interdiction totale, jugée “sans fondement juridique incontestable”.
Une entrée en vigueur de la loi prévue après les 6 premiers mois d’application
Deuxième pays après la Belgique à choisir la voix de l’interdiction, la France risque pourtant une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme selon l’hypothèse de certains juristes et de l’ONG Amnesty International, opposée à cette loi qui prévoit :
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une amende de 150 euros assortie de cours d’éducation civique pour les femmes qui persistent à porter la burqa ;
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une peine de 1 an de prison et 30 000 euros d’amende pour ceux qui obligent une femme à porter le voile intégral, avec doublement de la peine si la pression est exercée sur une mineure.
Que cache réellement la burqa : ceinture de chasteté ou ceinture explosive ?
Sous prétexte de défendre les droits de la femme, l’interdiction du voile intégral risque d’écorcher (un peu) les droits de l’Homme… Prix à payer à la liberté pour avoir la paix sociale ou passe de toréador pour esquiver une crise des valeurs plus grave, révélatrice du fossé qui se creuse entre la France et ses banlieues ?
Vouloir stigmatiser une poignée de femmes voilées pour détourner les yeux des vrais problèmes sociaux d’une société française qui peine à surmonter racisme et délit de faciès, vouloir faire plaisir à l’électorat du Front national en défendant la condition féminine et les mini-jupes chères à Brigitte Bardot risque de ne représenter, au final, qu’un coup de canon à blanc pour le 14 Juillet !
La mode de la rue, des créateurs de mode et des artistes pourraient s’emparer rapidement du thème de la burqa et récupérer la puissance transgressive du symbole pour remettre dans le domaine public le port du voile, comme elle l’a fait de la croix chrétienne au cou de Madonna, de la révolution avec le portrait de Che Guevara sur les tee-shirts, ou encore de la cause palestinienne avec le keffieh d’Arafat…
Heureusement, dans le pays des Lumières et du Tartuffe de Molière, les batailles de chiffonniers pour des idées finissent toujours par se transformer en histoire de chiffons plus ou moins tendances sur les bancs du marché ou dans les boutiques de mode branchées. Même si la France décide un jour d’interdire la burqa, au nez de la liberté d’expression…
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